Les crématistes

Fédération française de crémation

Histoire de la crémation

De tout temps, l’homme, la tribu, la société, se sont trouvés confrontés au problème souvent difficiles à résoudre : le devenir des corps de leurs défunts

Pendant de longues années, la pratique de la crémation s’est opposée à la foi chrétienne. Utilisée comme un instrument de lutte idéologique à l’époque de la Révolution, elle sert aujourd’hui un discours écologique, voire hygiéniste qui n’est plus en contradiction avec la pratique religieuse.

La crémation, une idée nouvelle ?

L’histoire de la crémation se confond avec l’histoire des civilisations, depuis la préhistoire jusqu’à l’Antiquité et au début de notre ère (en Grèce, à Rome, en Gaule…).
L’Europe a abandonné la crémation au fur et à mesure qu’elle s’est convertie au christianisme, dont les adeptes souhaitaient être inhumés « à l’image du Christ ». C’est Charlemagne qui, dans un capitulaire de 789, a interdit la crémation dans son Empire. Et jusqu’au XIXème siècle, il n’en a plus été question en France. Il a fallu attendre la 3ème République… C’est en 1880 que la première « Société pour la propagation de la Crémation » a été créée en France. Un an plus tard, elle comptait 420 membres parmi lesquels des noms illustres : Léon Gambetta – Casimir Périer – Alfred Nobel (qui habitait alors Paris) – Paul Bert – Ferdinand De Lesseps – Victor Schoelcher – Edmond About… A cette équipe prestigieuse, d’autres devaient se joindre plus tard, dont l’astronome Camille Flammarion et un jeune député qui allait devenir une figure éminente de la IIIème République : Edouard Herriot. Vous l’aurez compris : des esprits éclairés, des scientifiques soucieux de l’hygiène et du respect de l’individu, mais aussi des Francs- Maçons et des Libres Penseurs, entre autres, avaient décidé d’agir en faveur de la reconnaissance de ce choix d’obsèques.
Après bien des vicissitudes, après des débats parlementaires acharnés où les tenants de l’obscurantisme et les porte- paroles de l’Église Catholique firent preuve d’une « mauvaise foi » aberrante, en utilisant des arguments ignobles, c’est le 29 octobre 1887 que fut adoptée une loi disposant que « Tout majeur ou mineur émancipé, en état de tester, peut déterminer librement les conditions de ses funérailles, notamment en ce qui concerne le caractère civil ou religieux à leur donner et le mode de sa sépulture ».

Malgré cette loi fondamentale, la Crémation est restée longtemps dans la confidentialité, tout au moins dans les pays de religion catholique. A cette loi laïque, le Saint-Office réagit en dénonçant les promoteurs de l’incinération comme « des hommes de foi douteuse ou liés à la secte maçonnique qui travaille activement à rétablir l’usage païen de brûler les cadavres humains ». Il a fallu de nombreuses démarches avant que l’Église Catholique ne lève l’interdit de la Crémation, dans la foulée du Concile de Vatican II, en publiant le 5 juillet 1963 un décret indiquant « que l’incinération du corps n’affecte pas l’âme … Il ne s’agit pas d’une pratique intrinsèquement mauvaise ou, de soi, hostile à la religion chrétienne ».

Cela a permis de faire lentement bouger les esprits… et les mœurs !

En 1980, 1% des obsèques faisaient l’objet d’une crémation en France en 2020, c’est 40% !

Le catholicisme et la tradition

De tradition catholique, la France a connu durant de nombreux siècles, une hégémonie des enterrements dits classiques, avec inhumation du cercueil en terre. eut-on être à la fois aujourd’hui catholique pratiquant et crématiste ? « Oui », répondent sans hésiter les autori­tés ecclésiastiques qui continuent néanmoins de recommander aux fidèles de respecter la tradition de l’ensevelis­sement. « L’incinéra­tion a été acceptée par l’Église lorsqu’elle n’a plus été voulue comme signe d’opposition à la foi chrétienne » explique Bernard Housset, évêque de Montauban (82). Si l’on ne transige pas avec le dogme, on peut en revanche tolé­rer que la tradition s’adapte aux évolu­tions de la société environnante.
En 1952, l’encyclopédie « Catholi­cisme » continuait de voir dans la pra­tique crématiste une « intention plus ou moins déguisée de substituer au symbo­lisme spiritualiste et chrétien de l’inhu­mation, un symbole matérialiste et païen ». Le 8 mai 1963 pourtant, la congrégation du Saint-Office a mis fin à près d’un siècle d’interdiction formelle de la crémation. Valable depuis 1886, l’interdiction formulée par écrit en 1917 dans l’article 1203 du code de droit cano­nique était sans appel : « Les corps des fidèles doivent être ensevelis ; leur cré­mation est réprouvée. Si quelqu’un ordonne, de quelque manière que ce soit, de livrer son corps à la crémation, il est défendu d’exécuter cette volonté. Si cette condition est opposée à un contrat, testa­ment ou acte quelconque, on la considé­rera comme non avenue ». L’article 1240 de ce même code est tout aussi explicite et témoigne de la viru­lence du combat qui opposait à la fin du siècle dernier Église et anticléricaux :

« En outre, celui qui a donné un tel ordre (cer­tain et non excusé par la bonne foi) doit être privé de sépulture ecclésiastique (même si l’incinération n’a pas lieu par le fait d’un tiers), à moins qu’il n’ait donné avant de mourir, des signes de repentir. » Un tel arsenal législatif n’a fait que renforcer une défiance qui est natu­rellement inscrite dans la tradition catho­lique de l’Église et dont les effets continuent d’être perceptibles aujourd’hui, plus de trente ans après que ces deux articles aient été supprimés et remplacés dans le nouveau code de 1983 par celui-ci : « L’Église recommande vivement que soit conservée la pieuse coutume d’ense­velir les corps des défunts ; cependant, elle n’interdit pas l’incinération, à moins que celle-ci n’ait été choisie pour des rai­sons contraires à la doctrine chrétienne. »

Un phénomène de société

Du fait de sa progression spectaculaire dans notre pays, ce mode d’obsèques (que notre mouvement promeut depuis qu’il existe) est abordé dans toutes les manifestations actuelles (colloque- tables rondes- conférences- forums…) concernant le domaine funéraire et auxquelles nous sommes invités. Pourquoi une telle progression ? Quelles en sont les conséquences ? En France, le CREDOC (Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des conditions de vie) a confirmé, dans son Baromètre 2009 consacré aux pratiques des Français liées aux obsèques, ce que nous savons déjà : 50% d’intentions de crémation. Et, toujours selon cet organisme, cela continuera à progresser, du fait d’une baisse de la pratique religieuse. Incontestablement, le choix rationalisé de la crémation se fait en raison de cette distanciation par rapport au fait religieux (seulement 53% des crémations font l’objet de funérailles religieuses) mais aussi pour des critères sociaux ( décider de son devenir après la mort- ne pas être une charge pour ses proches- pas d’entretien des tombes), écologiques (protection de l’environnement- hygiénisme- moindre occupation de l’espace, surtout en milieu urbain), économiques ( une crémation coûte 1 000 € moins cher en moyenne). Pour autant, le choix de la crémation sans obsèques religieuses n’exonère pas d’une ritualisation : une cérémonie civile, un hommage personnalisé, dans un lieu adapté, est nécessaire pour l’aide et l’accompagnement des familles dans la préparation de la séparation avec le défunt, dans le commencement de l’inévitable et indispensable travail de deuil. Toujours d’après le CREDOC, le respect d’un rituel permet de garder un repère générationnel (63% des personnes enquêtées). Mais il est aussi estimé inutile (car il s’agit seulement de se « défaire » du corps) par 14% des personnes (35% des athées et 19% des agnostiques). Cette ritualisation, qui prend des formes nouvelles dans le cadre de la crémation, est un défi important à relever, notamment pour les professionnels du funéraire.

La crémation se singularise aussi par l’absence plus fréquente de lieu de recueillement, même si le cimetière reste perçu comme une tradition (26%) et un lieu de mémoire (33%).

Comme pour le rituel et la cérémonie, c’est plus dans l’intime et de façon individuelle que va s’entretenir le souvenir en cas de crémation d’un proche : 4 personnes sur 5 disent penser au disparu sans avoir besoin de se recueillir dans un lieu précis. Enfin, pour des produits tels que les cercueils utilisés pour la crémation, les critères « respect de l’environnement » et prix sont privilégiés par rapport à l’apparence et la qualité. Cela marque une volonté d’échapper à la marchandisation du décès, pour se rapprocher de valeurs plus personnelles et naturelles. Oui, aujourd’hui, la crémation est entrée dans les mœurs. Plus qu’une idée à incarner, elle est un fait à défendre, à promouvoir et à réguler. Et en raison de son développement important, elle nécessite une information encore plus grande de nos concitoyens, en leur faisant aussi prendre conscience que les libertés non défendues disparaissent un jour. Et sur ce point, dans notre société, dans notre pays, il y a du « grain à moudre ».