Les crématistes

Fédération française de crémation

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Abbé Marc Oraison

20 mars 2017

Une interview de l’abbé Marc Oraison

Membre de la Société Parisienne pour la Propagation de l’Incinération, l’abbé Marc Oraison avait déjà collaboré à l’émission télévisée de la F.F.C. Pour notre revue, il avait accepté en 1976 de mettre une fois encore sa notoriété au service de l’idéal crématiste en acceptant de répondre aux questions que nous lui avions posées.

Question : Monsieur l’abbé, vous êtes un homme célèbre et un homme discuté. Est-il indiscret de vous demander, d’abord, quelques mots sur votre passé ?

Réponse : J’ai fait mes études secondaires à Bordeaux et mes études supérieures à la Faculté de Médecine de cette même ville. J’ai passé mon internat en 1936 et j’ai commencé à opérer, comme interne, en 1937. J’ai fait ensuite des remplacements de chirurgien à Bordeaux et particulièrement pour mon père qui exerçait cette profession.

Q : Mais vous êtes prêtre ?

R : Je ne l’avais jamais envisagé avant 1942. Je suis alors entré chez les Dominicains pour « tâter le terrain ». J’ai fait ensuite mes études de théologie à l’Institut Catholique de Paris, tout en continuant à appartenir au diocèse de Bordeaux. J’ai passé ma thèse de théologie en 1951. Sujet : « vie chrétienne et problèmes de sexualité (introduction au freudisme dans la réflexion morale) ». Je suis ensuite retourné à Bordeaux, où, pendant un an, j’ai donné des cours d’instruction religieuse dans les classes terminales de plusieurs collèges.

Puis, à la demande du curé de La Trinité, lui-même médecin, et avec l’accord de Mgr Feltin, ancien archevêque de Paris, je suis revenu habiter la capitale.

Q : Et vous y avez eu des difficultés ?

R : Oui. J’ai attendu la création d’un poste officiel auquel je devais être nommé. Mais ma thèse de théologie avait été mise à l’index par le Saint-Office. Je suis devenu prêtre libre, toujours rattaché au diocèse de Bordeaux mais demeurant à Paris au presbytère de l’église de La Trinité. Il y a environ cinq ans, sans demander l’accord de personne, j’ai fait publier chez Fayard, à titre de document historique, ma thèse condamnée. Aucune réaction n’a suivi de la part de l’épiscopat.

Q : Et la crémation ?

R : II s’agit d’un choix personnel, pas d’un choix mystique. Mes mobiles sont d’ordre pratique. L’incinération est, à mes yeux, la meilleure solution pour « intégrer la mort », la plus commode et la moins chère. Je me désintéresse de ce qu’il adviendra de ma dépouille. Mon souci primordial est de n’être, défunt, une gêne pour personne. J’avais pensé d’abord donner mon corps à la science. Mais les Facultés de Médecine disposent actuellement de dons en quantité suffisante. J’ai donc opté pour la crémation.

Q : Ceci est votre point de vue personnel. Mais pour les autres ?

R : Je souhaite la généralisation de la crémation. Je pense qu’il faut en parler et la promouvoir. Je serais favorable à la construction de nombreux crématoires, un tous les 200 km étant le premier objectif à atteindre. Dans le monde occidental, la progression démographique risque de ne pas s’arrêter ou, au moins, de ne pas régresser. Il est donc raisonnable que les morts ne soient pas une gêne pour les vivants et que ceux-là, géographiquement parlant, ne tiennent pas trop de place.

Q : Et du point de vue religieux ?

R : Lorsque l’Église Catholique parle de « résurrection de la chair », il ne faut pas prendre ce dernier mot dans le sens de « viande » mais de « personne ». C’est ce qu’avait déjà précisé Saint Paul. Mais il y a eu, au cours des siècles, une constante confusion dans les traductions. Donc, la « résurrection de la chair », c’est la résurrection de la personne et aucun mode de sépulture ne s’y oppose.

Q : Vous êtes intervenu publiquement en faveur de la crémation, en 1976 lors d’une émission télévisée de la F.F.C. Qu’en a dit votre entourage ?

R : Plusieurs de mes confrères se sont entretenus avec moi du sujet que j’avais traité sans que cela entraîne de discussion ou fasse problème. « Après tout, pourquoi pas ? » m’a-t-on dit souvent. Je n’ai jamais trouvé d’opposition parmi les prêtres que j’ai rencontrés. Vous n’ignorez pas que l’Église Catholique admet l’incinération des corps depuis trente cinq ans. Une liturgie conçue en vue de la crémation existe. Je suis très favorable à une messe dite avant ou pendant l’incinération. Cela me paraît essentiel. Je ne pense pas à aller me recueillir sur la tombe de mes parents, mais je suis en union spirituelle avec eux, surtout lorsque je célèbre l’eucharistie.

Telle est la position d’un homme de cœur qui n’hésite pas à dire ce qu’il pense et à agir comme il le croit bon. Il a d’ailleurs précisé sa pensée tout au long d’un ouvrage intitulé « Au point où j’en suis » paru aux Éditions du Seuil.