Les crématistes

Fédération française de crémation

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Les mots et le sens

7 juin 2021

… Les cendres issues de la crémation ne sont pas à considérer comme de la cendre ordinaire. On le comprend eu égard à sa dimension psychologique vécue par les familles. En France, les cendres ont été considérées, depuis la loi de 2008, comme un corps humain. On peut dire que, juridiquement, elles sont considérées comme un « corps ».

■  … Il y a une différence entre droit, éthique et morale

Ceci démontre bien cela. Les cendres ne sont pas un corps humain. Et le matérialiste que je suis, qui considère que tout est matière tout en mettant en avant la primauté de l’esprit, voit dans cette qualification juridique une contradiction qui peut évidemment se comprendre : on parle respect (dimension morale), dignité (dimension éthique voire morale), décence (aspect éthique), mais aussi psychologie (la valeur sentimentale liée au défunt).

Les cendres issues de la crémation d’un défunt n’avaient qu’une valeur sentimentale jusqu’à il y a quelques années. Depuis la loi funéraire du 19 décembre 2008, les cendres ont acquis une valeur juridique : elles sont dorénavant considérées comme un « corps ». On insiste donc sur le respect dû à la personne : le « corps d’une personne décédée ». Il s’agit du respect de la personnalité du défunt.

■ Le respect

… Il est nécessaire de tenir compte des facteurs culturels, sociaux, juridiques et économiques, ainsi que de leur rôle dans la production d’espaces jugés appropriés pour la mort, la dispersion des cendres et le souvenir. En France, le respect est défini par l’article 16-1 du Code civil : « Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial. »

Il est complété par l’article 16-1-1 : « Le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. Les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence. » Un défunt en urne bénéficie des mêmes droits et des mêmes protections qu’un défunt en cercueil.

Enfin, la définition du respect est complétée par la loi de 2008, dont certains articles manquent de cohérence pour prendre en compte à la fois les urnes et les cercueils, ou au contraire les distinguer.

■ Crémation des cendres : revoir notre sémantique ?

Avec la loi de 2008 et le respect qui est dû aux cendres funéraires, il y a lieu de revoir quelques expressions courantes, par exemple la « destination des cendres ». Ne devrait-on pas plutôt parler de « destination de l’urne d’un défunt » ? En effet, il serait plus délicat de parler « du défunt », plutôt que de l’état dans lequel il est : « des cendres », qui ne représentent que la matière constituée d’atomes chimiques.

En quoi une société a-t-elle nécessité de recourir à un encadrement légal à propos de la crémation ? Pourquoi semble-t-il obligatoire de doter les cendres d’un statut légal alors que tel n’avait pas été le cas pour le cadavre ? Comment justifier le fait qu’il n’est plus possible de conserver les cendres au domicile des proches du défunt ? Pourquoi valider de façon légale un culte du souvenir avec au centre le cimetière, alors même que la crémation d’un point de vue pratique et philosophique reconnaît la possibilité  d’une dissipation des cendres ? Autant de questions qu’on peut se poser
afin de mesurer et comprendre les mutations en cours.

… Je vous invite à réfléchir sur la question de voir comment le droit s’invite dans la construction d’une norme sociale, alors que des comportements hétéroclites se multiplient, peinant à dire ce qui fait le propre de la crémation aujourd’hui, notamment en France. Entre normalisation et liberté individuelle, le travail de la loi est l’objet d’une tension entre ce qui se doit d’être encadré et ce qui relève des choix intimes des individus, d’où cette posture qui vise à « encadrer la liberté ».

Est-ce l’éthique qui doit faire tampon ? Comment assurer la libre disposition des cendres tout en encadrant leur destination ? Comment trouver un équilibre entre le principe du respect dû aux défunts et le principe de liberté des funérailles ?

 

■ Devenir des restes issus de la crémation

Et puis, on peut se demander ce qu’il en est des restes issus de la crémation une fois que l’urne est rendue à la famille. Convient-il de donner un statut juridique particulier à ces restes ? Sont-ils des restes, des déchets, des produits, ou autres ? À qui appartiennent- ils ? Peuvent-ils être traités, ou recyclés ?

Marc Mayer

Chargé de cours Université Libre de Bruxelles

Extrait de Crémation Magazine